Et si on parlait procrastination ?
Depuis le billet de la semaine dernière, j’ai cogité et rien écrit, lu aussi, pas mal. La lecture compense bien : je ne culpabilise pas (trop) car ainsi je nourris mon écriture. Tout n’est pas perdu. Quand je ne lisais pas, je réfléchissais à ce soudain blocage.
L’une des questions qui tournait dans ma tête : pourquoi je ne parvenais plus à me mettre à l’écriture ? La fatigue n’explique peut-être pas tout….
J’ai constaté qu’écrire ne pose pas de souci particulier, j’ai même posé quelques lignes sur mon carnet samedi matin après mon jogging. C’est la réécriture, le sujet. La vérité est que je procrastine. Et je sais très bien pourquoi aujourd’hui. La semaine dernière, j’étais fatiguée, je ne parvenais plus à penser, à voir clair dans mes idées. Maintenant, tout est limpide.
La procrastination surgit lorsque je suis face à une difficulté, qu’un point bloquant se met en travers de mon projet. Je bute et je bloque. Je me mets à procrastiner.
Par exemple, avant d’écrire mon premier roman, je bloquais totalement : autant vous dire que le curseur de la culpabilité pointait à son maximum. Je procrastinais, appelons un chat un chat : j’avais des idées, beaucoup d’idées mais je ne savais pas comment les organiser, comment débuter mon roman et j’anticipais la suite, alors que je ne l’avais pas encore commencé, comment le poursuivre et y mettre le point final. J’ai mis de longs mois (années ?) avant de m’élancer. Comment ? En découvrant une méthode qui a porté mon écriture du début à la fin. Apporter une solution à mon problème a levé tous mes blocages. Le geste de l’écriture a pu amorcer.
Un an après l’écriture de ce roman, après l’avoir laissé poser quelques mois, comme il est conseillé de le faire, je l’ai relu. Mon impression était mitigée, j’étais à la fois ravie et perplexe. Il manquait un petit quelque chose mais je ne savais pas dire quoi. Après un temps de réflexion et quelques lectures de livres, j’ai compris : il manquait une dose de suspense et de mystère à mon histoire.
Les romans policiers, j’adore, avec une préférence pour les thrillers psychologiques américains. Je me suis toujours dit : « Un jour, j’écrirais du policier moi aussi, je ferais du Gillian Flynn » mais je ne l’imaginais pas tout de suite. « Avant, je dois m’exercer à l’écriture de roman avec un genre plus accessible ».
Et puis, bam, le destin en décide autrement !
L’évidence s’impose à moi : c’est maintenant que je dois instiller un petit côté « enquête policière » à mon récit, celui-ci s’y prête à la perfection. Pourquoi attendre un prochain roman ? L’idée est séduisante, vertigineuse mais inévitable pour épicer mon roman et lui apporter une nouvelle dimension.
Dans la première version du roman, la mort de Matthias est simplement évoquée, sans rentrer dans les détails. Il est le fantôme de Lorraine et de beaucoup d’autres personnages, Maryline, Jacky, Mado. Sa mort a de lourdes conséquences autour de lui. Inconsciemment, j’ai évité d’explorer l’intrigue sur la mort de Matthias. Je ne me sentais pas prête à écrire une intrigue de ce genre. Heureusement, la relecture en a décidé autrement.
Un nouveau challenge à relever : la construction d’une intrigue policière. Je commence avec une vague idée. Je distille les éléments de la nouvelle intrigue au fil des pages. Et puis, ça se transforme en casse-tête, je m’embrouille, j’ai la boule au ventre, je suis dans une impasse, incapable d’intégrer ce nouveau fil narratif à mon jet initial. C’est à ce moment que je me mets à procrastiner et puis j’abandonne complètement le roman. Je ne le reprendrais que huit mois plus tard.
Ce casse-tête, je m’y attèle début janvier 2020, non sans difficulté, en retroussant les manches, en suant à grosses gouttes. Et je termine le roman fin février 2020.
Aujourd’hui, je procrastine pour les mêmes raisons : ma béta-lectrice m’a donné des tuyaux pour renforcer mon intrigue, pour qu’elle fonctionne mieux. Je dois m’y confronter et réécrire dans ce sens. Ca demande un travail, une réflexion, une concentration et une énergie de dingue. D’où la procrastination. La fatigue n’arrange rien. Et puis, j’ai le sentiment d’avoir tout donné à la première partie. Je suis à bout de souffle, pressée comme un citron. Les efforts considérables qui restent à faire me tétanisent.
On parlait de contrainte la semaine dernière : je n’aime pas trop les contraintes. Je trouve toujours le moyen de m’y soustraire. Seulement, en écoutant mes auteurs préférés, je me rends bien compte que le travail d’écriture régulier est essentiel. Nicolas Mathieu par exemple, lui-même inspiré de Jack London, se contraint à écrire mille mots par jour. Il n’est pas le seul à agir ainsi. Stephen King fait de même.
Là, où j’en suis, c’est-à-dire au degré zéro de la motivation, je dois me donner un bon coup de pied au derrière, m’imposer une contrainte, une heure d’écriture par jour par exemple. Ou une demi-heure pour ne trop me brusquer. Pour avancer, coûte que coûte, et terminer pour de bon mon chantier de réécriture. D’autres projets d’histoires patientent derrière et c’est une réelle frustration que de ne pas pouvoir y travailler.